En ce début de 2025, la France fait face à une situation alarmante concernant l’hébergement des personnes vulnérables. Le 30e rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, publié le 3 février, dresse un tableau particulièrement sombre de la crise du logement qui s’aggrave dans l’Hexagone.
Une crise du logement qui atteint des sommets préoccupants
Le constat établi par la Fondation Abbé-Pierre est sans appel : la France s’enfonce dans une crise du logement majeure. L’organisation, qui s’apprête à changer de nom pour devenir la Fondation pour le logement des défavorisés, révèle que tous les indicateurs sont au rouge. Le chiffre le plus alarmant concerne les personnes sans domicile fixe, dont le nombre atteint désormais un record de 350 000 individus, soit 20 000 de plus que les années précédentes.
Cette situation dramatique se traduit également par un nombre historique de décès dans la rue, le plus élevé jamais enregistré selon le rapport. À ces données s’ajoutent 19 000 expulsions locatives réalisées avec le concours des forces de l’ordre, un chiffre sans précédent. Plus inquiétant encore, plus de 100 000 personnes vivant dans des squats, bidonvilles ou campements ont également été expulsées.
Au total, ce sont 4 millions de Français qui sont considérés comme mal-logés, c’est-à-dire sans logement personnel ou habitant dans des conditions extrêmement difficiles. Par ailleurs, 12 millions de personnes se trouvent fragilisées par cette crise qui ne cesse de s’amplifier dans un contexte d’instabilité politique marquée.
Les personnes handicapées, premières victimes du mal-logement
Pour la première fois de son histoire, la Fondation consacre une part importante de son rapport annuel aux difficultés spécifiques rencontrées par les personnes en situation de handicap. Marie-Hélène Le Nédic, présidente de l’organisation, pointe du doigt « le manque de logements accessibles en raison d’importants retards dans la production et d’un habitat pensé pour les personnes valides ».
Cette population, qu’elle soit affectée par un handicap visible ou invisible, s’avère surreprésentée parmi les mal-logés. Le rapport souligne l’existence de « discriminations généralisées » auxquelles font face ces personnes sur le marché locatif privé. Cette publication intervient symboliquement à quelques jours du 20e anniversaire de la loi handicap de 2005, dont les promesses semblent loin d’être tenues.
Dans ce contexte de dégradation environnementale, il convient de rappeler que d’autres problématiques liées à l’habitat peuvent avoir des conséquences dramatiques. Récemment, deux hommes ont été condamnés à la prison pour avoir transformé un site des Calanques de Marseille en décharge sauvage, illustrant la nécessité d’une approche globale des questions d’habitat et d’environnement.
Les failles d’une politique du logement insuffisante
Le rapport de la Fondation Abbé-Pierre met en lumière l’aggravation de l’embolie du parc locatif social. Avec 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social, et seulement 400 000 attributions en 2023, le déséquilibre ne cesse de croître. L’association dénonce notamment le prélèvement annuel de 1,3 milliard d’euros sur les ressources des bailleurs sociaux, instauré en 2017, qui entrave considérablement leur capacité à construire et entretenir de nouveaux logements.
Face à l’urgence, la Fondation appelle le gouvernement à sortir de son « attentisme », particulièrement marqué depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Elle regrette que le logement ne soit pas reconnu comme une priorité politique, comme en témoigne la baisse significative de l’effort public dans ce domaine, passé de 2,2% du PIB en 2010 à seulement 1,5% en 2023.
L’association critique également l’orientation actuelle des politiques publiques, où « les préoccupations économiques de relance de l’activité immobilière ont pris le pas sur la dimension sociale ». Elle plaide pour une refonte complète de l’approche, avec des mesures concrètes visant à soutenir les ménages modestes, à mieux réguler le marché locatif privé et à réduire l’artificialisation des sols, dans un pays où « la pauvreté progresse » et où « les inégalités s’approfondissent ».